Le travail sur soi
On entend constamment parler du « travail sur soi » comme d'un levier essentiel pour nous libérer, nous éveiller, pour accéder, en d'autres termes, à notre pleine conscience.
En quoi consiste, au juste, ce fameux travail ? Certain(e)s, comme s'il s'agissait d'un bilan de carrière, brandissent fièrement leur curriculum vitae spirituel, sorte d'exposé détaillé de leurs longues années de pratique, années marquées par une profusion de stages, thérapies, exercices, méditations transcendantales, rituels, lectures, apprentissages, reconnexions, etc... Très bien. Cette démarche est parfaitement respectable mais est-il forcément utile de cumuler toutes ces « choses » pour se rencontrer soi-même, pour, in fine, se rendre compte que tout était déjà présent et que rien – hormis, bien souvent, l'ego spirituel - n'a été développé dans cette accumulation? Toutes ces cloches doivent-elles tinter à nos oreilles durant tant de temps et en si grand nombre pour que nous consentions enfin à nous (r)éveiller?
Je l'ai déjà écrit, parler «d’atteindre l’éveil» n’a pas de sens en soi. Il n'y a ni voie, ni chemin, ni temps, ni distance nous séparant de l'éveil. Tout simplement parce que tout est déjà présent, à l'intérieur de soi. Il n'y a rien à devenir, à faire, rien à acquérir ou à développer. En vérité, il n’y a rien à rejoindre qui ne soit déjà là. S'éveiller, c'est juste ouvrir les yeux et regarder vers soi avec Amour.
Pour réaliser ce travail sur soi, ce travail d'éveil, il n’y a définitivement pas de solution miracle. Tout dépend de qui nous sommes, de ce que nous souhaitons, de ce que nous recherchons et, fondamentalement, de notre capacité à lâcher prise (c'est-à-dire abandonner nos vieux schémas). Ce qui fonctionne pour l’un ne marchera pas forcément pour l’autre. Il est ainsi intéressant de ne pas comparer notre « parcours » spirituel avec celui d'un(e) autre. Le dénominateur commun à tous les aspirants est cette volonté de parvenir à l'éveil de la conscience et souvent aussi, en ces temps d'ascension, d’être utiles à leurs semblables, de contribuer à l'épanouissement spirituel de la Terre, à l'ouverture des cœurs et à l'élévation du niveau vibratoire collectif.
Nous sommes notre premier terrain d’expérimentation puisque nous nous côtoyons nous-mêmes tous les jours, puisque nous vivons avec nous-mêmes. Nous sommes notre première histoire d’amour ou de tension relationnelle et notre propre conscience est celle qu’il nous faut tenter d’éveiller avant de transmettre aux autres le moyen de le faire.
Accumuler du savoir spirituel ou ésotérique n'est pas travailler sur soi. Aussi riche soit-il, le savoir spirituel n'est pas la Connaissance, c'est-à-dire l'intégration des lois universelles.
Je ne suis pas en train de dire que le savoir est inutile. Non. Le savoir soutient la pratique et permet de l’approfondir. Mais le savoir seul maintient dans le mental sans permettre la moindre expérience spirituelle. Il ne conduit pas à offrir un sourire, à aimer les autres, à s’aimer soi-même, à transmettre le désir d’évoluer et de rayonner cette belle lumière intérieure.
Il est donc en premier lieu question, dans ce travail sur soi, de se dispenser de l'Amour. Et amour bien ordonné commence par soi-même... Il serait ainsi bien illusoire de prétendre pouvoir donner aux autres ce que l'on se refuse à soi-même ou que l'on s'accorde soit sous condition, soit par intermittence... Le problème est que cet amour inconditionnel vis-à-vis de nous-mêmes, nécessaire pour véritablement engager ce travail intérieur est bien souvent repoussé loin de nous par notre perpétuel sentiment de culpabilité. En effet, nos tentatives de compréhension de nos réactions émotionnelles peuvent être culpabilisantes dès lors qu'elles sont interprétées sous leur aspect « j'aurais dû ». Parce que nous avons été soumis à la culpabilité dans toute notre histoire, il nous devient difficile de voir la différence entre la question neutre « Pourquoi ai-je telle réaction ? » et son interprétation négative « Je ne devrais pas avoir cette réaction. »
Oser se poser la vraie question exempte de jugement « Pourquoi ai-je tel type de réaction? » est la première marche de l'escalier de la pratique du travail sur soi.
Pour pouvoir mettre de l'ordre, nous avons préalablement besoin de regarder le désordre et, tant que le simple fait de regarder le désordre induit en nous un malaise, nous détournons la tête et nous nous éloignons de la simple possibilité de mettre de l'ordre.
Mais si, peu à peu, nous commençons à nous ouvrir à notre propre manière de procéder – ce désordre -, entrebâillant la porte de la compassion avec nous-même, nous pouvons alors accueillir les occasions où il nous a été impossible de le faire. Nous ne nous jugeons plus de ce que nous parvenons ou non de faire. Nous concevons que, même quand nous faisons de notre mieux, il nous arrive de pas réussir. Et également que notre réussite ne dépend pas seulement de notre engagement mais de tout un ensemble de paramètres sur lesquels nous ne pouvons pas nécessairement agir.
Déterminés, ne démissionnant de rien, mais parce que nous nous plaçons dans un ensemble plus vaste, nous acceptons avec douceur les limites qui sont nôtres dans l'instant présent. Et, du fait même que nous les acceptons, notre vision de nous-mêmes change peu à peu. Nous sentons quelque chose de nouveau poindre en de nous. Nous prenons conscience de l'importance de la patience, de la bienveillance et de la compassion à notre égard. Sans quitter le ressenti, dans le corps physique, nous donnons la possibilité à quelques anciens réflexes d'impatience, de dureté et de malveillance à notre égard, de refaire surface. Devant le spectacle de notre vécu antérieur, certes des émotions remontent. Nous laissons faire, totalement, sans rien vouloir retenir ou contrôler parce que nous nous souvenons que la base du travail sur soi est de parvenir à voir la vérité de « ce qui est », comme de ce qui a été.
Là, à nouveau, nous nous souvenons de l'attitude de base : patience, compassion et bienveillance. Comme nous en sommes capables, nous nous accueillons. Ponctuellement, nous constatons que là, dans cet instant présent, nous sommes incapables de nous accueillir. Cela est parfait aussi car nous remarquons que le simple fait de constater que nous sommes incapables de nous accueillir, là, maintenant, est déjà une capacité à l'accueil des choses telles qu'elles sont, l'accueil « tel que nous en sommes capables » et non l'accueil « tel que nous pensons que nous devrions en être capables ». Alors, doucement, nous laissons l'amour pénétrer un peu plus en nous-mêmes. Doucement, nous laissons un peu plus l'amour travailler sur nous. En nous. Autour de nous.
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